Un syndrome commun mais pas bénin Il existe de nombreuses pathologies intestinales, mais s’il en est bien une dont le nom risque de vous être familier c’est probablement le syndrome du côlon irritable (SCI). En effet ce trouble digestif est en pleine progression et touche de 10 à 15% de la population canadienne (principalement les femmes). De plus, il représente le premier motif de consultation chez les gastro-entérologues au Canada[i]. Contrairement à certains troubles digestifs qui entraînent des lésions de la muqueuse intestinale repérables à l’examen médical, le SCI ne crée pas de dommages visibles, ce qui rend le diagnostic plus difficile à poser. Celui-ci repose essentiellement sur les symptômes décrits par le patient. Les principales manifestations du SCI ont été classées et standardisées selon les critères de Rome III qui sert actuellement de référence pour le diagnostic[ii]. Une irritabilité de l’intestin se traduit souvent par des douleurs abdominales, des ballonnements, des gazs, de la constipation et de la diarrhée. Il peut y avoir la présence d’un ou de plusieurs symptômes à la fois. Des effets profonds sur la personne Au delà des symptômes physiques, il existe une réelle détresse mentale chez beaucoup de personnes qui en souffrent. Les problèmes intestinaux sont encore considérés comme un sujet tabou dans notre société, les personnes se sentant souvent gênées d’en parler ou incomprises par leur entourage ou leur médecin. On retrouve souvent des états anxieux ou dépressifs. et même un isolement social. Les symptômes ressentis, comme l’urgence d’aller à la selle ou les douleurs abdominales, compliquent leur quotidien et peuvent inciter ces personnes à éviter les espaces publics. Tout n’est pas dans la tête Étant donné qu’il n’existe pas de causes organiques, certains médecins pensent encore que la personne exagère, simule ses plaintes ou que le “stress” est le seul coupable. Effectivement le stress peut exacerber les symptômes mais en aucun cas en être à l’origine. La recherche a plutôt mis en lumière des dysfonctionnements souvent présents dans ce syndrome, notamment un trouble de la motricité intestinale qui entraîne des contractions intestinales soit rapprochées soit ralenties, provoquant de la diarrhée et/ou de la constipation. De plus, la sensibilité des nerfs innervant l’intestin peut être exacerbée, créant chez les individus avec le SCI une sensation de douleur plus prononcée que chez d’autres individus. Ses effets ont pu être démontrés visuellement sur le scanner cérébral de personnes souffrant du SCI. Une équipe de recherche a gonflé un petit ballon dans leur intestin et a surveillé ensuite leur activité cérébrale. Chez les patients atteints du SCI, la zone émotionnelle normalement chargée de traiter les émotions désagréables était active contrairement aux personnes tests en santé. Cela veut dire que les gens atteints du côlon irritable percevaient des sensations douloureuses alors que rien ne le justifiait[iii]. D’autres facteurs associés comme les intolérances alimentaires, une alimentation déséquilibrée, la prise d’antibiotiques répétée ou les infections chroniques du tube digestif comme la diarrhée du voyageur pourraient influencer les symptômes. Dans tous les cas de figure, il n’existe pas actuellement de traitement médical efficace pour traiter les symptômes du SCI, menant de plus en plus d’individus à se tourner vers les médecines naturelles. Le SIBO : une des causes principales du SCI Le lien entre le syndrome du côlon irritable et le SIBO (surcroissance bactérienne de l’intestin grêle) est désormais de plus en plus reconnu [i]. L’intestin grêle et le côlon qui forment les intestins ne contiennent pas la même quantité de bactéries. Moins de 20% des bactéries intestinales résident dans l’intestin grêle tandis le côlon en abrite plus de 80%. On parle de SIBO lorsque les bactéries du côlon migrent vers l’intestin grêle et y prolifèrent, celui-ci contenant alors une quantité trop importante de bactéries. Cette surcroissance entraîne une modification de notre processus digestif. Selon le Dr. Pimentel, pionnier dans les recherches sur le SIBO et auteur du livre A New IBS Solution, les symptômes du SIBO sont très semblables à ceux du côlon irritable. Il est possible de diagnostiquer le SIBO grâce à un test de souffle de méthane et d’hydrogène, disponible chez certains naturopathes et chez les gasto-entérologues. La cause principale du SIBO serait dûe à un trouble de la motricité intestinale qui entrave le parcours du bol alimentaire et des bactéries le long du tractus intestinal. Une récente étude menée par le Dr. Pimentel et son équipe a démontré que 78% des 202 patients testés avec le SCI étaient en réalité atteints du SIBO[ii]. Les chercheurs ont ensuite administré un traitement antibiotique pour éradiquer la surcroissance bactérienne, et, à l’issu de la prise du médicament, 48% des patients ne souffraient plus de SCI. En naturopathie il existe de nombreuses options de traitement du SIBO. Les antimicrobiens naturels représentent une alternative viable, et seraient équivalents aux antibiotiques selon une étude parue l’année dernière[iii]. Une prise en charge individualisée et efficace La démarche naturopathique vise à déterminer la ou les cause(s) du SCI grâce à un ensemble de signes et symptômes ainsi qu’à des tests fonctionnels associés comme le test d’intolérances alimentaires. Les intolérances alimentaires sont souvent impliquées dans le SCI et peuvent en exacerber les symptômes. L’éviction temporaire de ces aliments permet notamment de réduire les symptômes et de calmer l’inflammation présente dans le système digestif. L’alimentation représente la première intervention en naturopathie. Le thérapeute pourra ensuite avoir recours aux plantes, à l’hydrothérapie et à certains suppléments comme les probiotiques ou les enzymes digestives. L’efficacité du régime FODMAP Il existe plusieurs approches alimentaires pour soulager les symptômes digestifs, comme les régimes sans gluten et sans produits laitiers. Par contre, l’approche qui obtient les meilleurs résultats cliniques actuellement, est celle de la diète pauvre en FODMAP. L’acronyme anglais fodmap signifie fermentable – oligosaccharides – disaccharides - monosaccharides and polyols. Les fodmap font partie d’une famille de glucides difficilement digérés par l’intestin grêle, mais dont raffole le gros intestin. Ils sont facilement fermentés par celui-ci et contribueraient ainsi aux symptômes digestifs du SCI. La diète vise à bannir les aliments riches en fodmap pour ensuite les réintroduire graduellement. Parmi ceux qui sont riches en fodmap on retrouve les pommes, le lait, le blé, l’oignon et les légumineuses, ceux qui en contiennent peu se retrouvent dans les tomates, les agrumes, le quinoa etc. De nombreuses études scientifiques ont montré les effets positifs de cette diète sur les patients qui souffrent du côlon irritable. Ces études rapportent une diminution marquée des symptômes principaux du SCI.[i] [ii] [iii] Cultiver l’espoir Ayant moi-même été diagnostiquée avec le SCI il y a quelques années, je sais à quel point il peut être frustrant de ne pas en comprendre les causes et décourageant d’entrevoir l’avenir avec ces symptômes. Cependant la bonne nouvelle est qu’il est possible d’en guérir. L’identification et l’élimination des causes sous-jacentes du SCI par un thérapeute en santé qui connaît bien ce trouble vous permettra de retrouver une digestion saine et un état de santé optimal. Références
[i] Caroline Canavan, Joe West, and Timothy Card. The epidemiology of irritable bowel syndrome. Clin Epidemiol. 2014; 6: 71–80. [ii] www.romecriteria.org [iii] Naliboff BD, Munakata J, Fullerton S, Gracely RH, Kodner A, Harraf F, Mayer EA. Evidence for two distinct perceptual alterations in irritable bowel syndrome. Gut. 1997 Oct;41(4):505-12. [i] Uday C Ghoshal and Deepakshi Srivastava. Irritable bowel syndrome and small intestinal bacterial overgrowth: Meaningful association or unnecessary hype. World J Gastroenterol. 2014 Mar 14; 20(10): 2482–2491. [ii] Pimentel M1, Chow EJ, Lin HC. Eradication of small intestinal bacterial overgrowth reduces symptoms of irritable bowel syndrome. Am J Gastroenterol. 2000 Dec;95(12):3503-6. [iii] Victor Chedid, MD, Sameer Dhalla, MD, John O. Clarke, MD, Bani Chander Roland, MD, Kerry B. Dunbar, MD, Joyce Koh, MD, Edmundo Justino, MD, Eric Tomakin, RN, and Gerard E. Mullin, MD. Herbal Therapy Is Equivalent to Rifaximin for the Treatment of Small Intestinal Bacterial Overgrowth. Glob Adv Health Med. 2014 May; 3(3): 16–24. [i] Molina-Infante J, Serra J, Fernandez-Bañares F, Mearin F. The low-FODMAP diet for irritable bowel syndrome: Lights and shadows. Gastroenterol Hepatol. 2015 Nov 5. pii: S0210-5705(15)00221-6 [ii] Mansueto P, Seidita A, D'Alcamo A, Carroccio A. Role of FODMAPs in Patients With Irritable Bowel Syndrome. Nutr Clin Pract. 2015 Oct;30(5):665-82 [iii] Halmos EP, Power VA, Shepherd SJ, Gibson PR, Muir JG. A diet low in FODMAPs reduces symptoms of irritable bowel syndrome. Gastroenterology. 2014 Jan;146(1):67-75.e5.
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Fanny Vandenhende N.D.Articles concernant la santé générale, principalement la santé digestive. Archives
September 2020
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